UN OBSERVATOIRE ASTRONOMIQUEL’Allemand Henri Nissen suggéra le premier, en 1885, que certains monuments préhistoriques pouvaient avoir une destination astronomique. C’est cependant à un astronome britannique, Norman Lockyer, qu’on doit les premiers travaux sur ce sujet. Dans un travail sur Stonehenge, publié en1901, il conclut à partir de la disposition des trilithes par rapport aux phénomènes célestes que le monument avait été construit entre 1800 et 1480 avant j.c., brillante approximation confirmée depuis par les travaux ultérieurs des archéologues.
Après une éclipse de près d’un demi-siècle, les spéculations astronomiques sur Stonehenge ont connu un renouveau avec deux astronomes, Fred Hoyle et Gerald Hawkins.
Le premier, en 1966, publiait un article sur Stonehenge, présentant le monument comme destiné à prédire les éclipses.
La même année, Hawkins publiait le résultat de ses propres recherches sur Stonehenge et corroborait les travaux de Hoyle. Ce sont les points marquants de ces découvertes que nous donnons ici.
A la poursuite du secret de StonehengeEn 1960, G. Hawkins dans son ouvrage, «
Splendour in the Sky », à propos des éclipses, et de l’attitude des Anciens à leur égard écrivait : « Au cours des siècles, on a oublié une bonne partie de l’élément magique … Stonehenge fut probablement construit pour marquer le solstice d’été. D’un autre côté, si les bâtisseurs de Stonehenge avaient simplement voulu marquer l’axe du lever du soleil à cette date, deux pierres suffisaient. Or ils déplacèrent et taillèrent des centaines de tonnes de roc … Ce dut être pour les hommes de cette lointaine époque quelque chose d’essentiel. »
Des questions brûlantesQuand on observe attentivement Stonehenge, on a bien le sentiment que l’implantation des pierres a été parfaitement calculée, et que les autres blocs ont également leur rôle ; et si toutes les pierres avaient un sens ?
Toutes semblent placées avec une telle précision.
1. Le matin du solstice d’été, le disque du soleil se lève à la verticale de la Heel stone avec une telle précision que, si nous avions été des hommes de l’âge de la pierre, nous aurions été à la fois ravi et effrayé et surtout fortifié dans notre foi. Cet alignement a été parfaitement calculé. Dans quel but ?
2. Les arches des trilithons sont incroyablement étroites. On peut à peine glisser la tête entre les énormes piliers. La largueur moyenne des trois arches est de 30 cm et l’épaisseur moyenne des piliers est de 60 cm, donc le regard ne peut parcourir qu’un angle très étroit. Il semble que le champ de vision soit étroitement contrôlé. Il est par conséquent impossible de ne pas voir quelque chose, que nous sommes censés voir. Mais quoi ?
3. Les angles de visée à travers les trilithons correspondent à des arches plus larges dans le cercle de sarsen. Il est impossible de les suivre toutes les trois à la fois. Chacune a son poste d’observation bien particulier, ce qui est peu habituel. C’est une disposition en contradiction avec les habitudes architecturales qui veulent qu’on ait des angles différents à partir d’un point d’observation central. Pourquoi cet angle est-il si important ?
4. Les deux seules pierres extérieures qui restent, la n° 93 et la Heel Stone, sont d’une telle hauteur qu’un homme de taille moyenne voit la ligne d’horizon juste au-dessus d’elles. Pourquoi leur hauteur a-t-elle été si soigneusement calculée ?
5. La ligne qui joint les coins 91-94 du rectangle passe à quelques dizaines de centimètres à l’extérieur des pierres du cercle de sarsen. Forment-elles une ligne de mire ?
La plupart de ces questions peuvent avoir une réponse astronomique. Ces alignements soigneux, ces angles de visée soigneusement élaborés pour orienter le regard vers quelque chose aujourd’hui invisible, n’est-ce pas autant de visée sur des points précis ou vont se dérouler des phases particulières dans la course de ses forces divines ; le soleil, la lune, les planètes et les étoiles ?
Les hommes de la préhistoire observaient avec terreur les points où ces grandes forces de la nuit et du jour entraient dans l’obscurité de la terre avant d’en jaillir à nouveau. Il semble alors naturel que les hommes de Stonehenge eussent pris soin de marquer ces points par différents moyens.
Le soleil du solsticeD’abord le plus évident des dieux, le Soleil. Tout le monde sait que le soleil va du nord au sud du solstice d’été au solstice d’hiver. Deux fois par an, aux équinoxes de printemps et d’automne, il se lève exactement à l’est pour se coucher exactement à l’ouest ; a cause d’autres éléments célestes, obliquité du plan de l’écliptique, en particulier, le soleil présente une inclinaison de + 23,5° (sud) en hiver. Cette déclinaison varie donc de 47°.
A la latitude de Stonehenge, le lever du soleil passe de 51° (le nord étant à 45°) au solstice d’été, à 129° (le sud étant à 135°) au solstice d’hiver, soit un angle de 78° sur l’horizon, ce qui représente plus de 12° par mois.
Grâce à cette variation nord-sud du soleil, les habitants de la terre peuvent mesurer les cours des saisons. Ils peuvent utiliser le soleil comme calendrier cosmique, et trouver la date. Mais l’homme de Stonehenge avait déjà bien de la chance s’il pouvait être sûr de repérer un jour précis dans l’année, et il devait noter soigneusement le moyen de le repérer, car cela lui permettait de calculer les dates des semailles et des moissons, de la chasse et toutes les autres dates capitales de l’année, jusqu’au retour de cette date qui venait compléter le cycle.
C’est ce que firent les constructeurs de Stonehenge ; l’axe indiquait le solstice d’été avec précision. Et qu’avaient-ils fait ensuite ?
Stonehenge était-il plus qu’un alignement solaire ?
Pouvait-il aussi y avoir d’autres alignements célestes, sur des étoiles, des planètes ou la lune ?
Un calendrier pour les semaillesEn résumé, Stonehenge I présente 11 positions remarquables, chacune d’elle est appariée à une autre, ou plusieurs, pour indiquer 16 fois dix des douze positions extrêmes du soleil et de la lune. Stonehenge III, avec ses trilithons et l’axe de la Heel Stone, indique 8 fois de ces positions extrêmes. Ce qui ne saurait être l’effet du hasard.
Les architectes de Stonehenge avaient parfaitement aligné leur monument par rapport au soleil et la lune. Pourquoi ?
Comme on l’a vu, deux pierres suffisent pour marquer la direction du lever du soleil, ou un point céleste quelconque. Pourquoi alors les architectes de Stonehenge se sont-ils donné tant de mal ?
Ces alignements complexes basés sur les mouvements du soleil et de la lune peuvent avoir été établis pour deux ou peut-être trois raisons.
D’abord, cela constituait un calendrier, particulièrement utile pour indiquer le temps des semailles. Ensuite, cela permettait aux prêtres de rassembler le peuple pour le faire assister é ces levers et à ces couchers spectaculaires du soleil et de la lune. Enfin, peut-être était-ce la base d’un jeu intellectuel ?
Disons que la possibilité de déterminer l’époque des semailles était vitale pour les hommes de la préhistoire. C’était chose difficile. Comme on ne peut pas compter à l’envers à partir des beaux jours, il faut trouver autre chose. Et quoi de plus précis que d’observer les mouvements réguliers et prévisibles des corps célestes ?
Même à l’époque classique, il existait des règles très élaborées pour aider les agriculteurs dans les semailles. Pline, à propos de la saison convenable pour la semaille du blé, déclare : « Ceci devrait être considéré avec le plus grand soin, et s’appuyer sur l’astronomie ». De nos jours encore, certains paysans consultent le ciel pour leurs travaux.
Un prodigieux effort intellectuelQuand à la troisième utilité de Stonehenge, nous pouvons imaginer que ces prêtres, étant nos lointains ancêtres, devaient, en plus de la nécessité, éprouver du plaisir aux exercices intellectuels gratuits. Ayant résolu le problème complexe des alignements de façon efficace, mais apparemment simple, ils n’allaient pas en rester là. Il fallait qu’ils se posent des problèmes plus difficiles, plus satisfaisants pour l’esprit et plus spectaculaires aussi pour la plus grande gloire des dieux.
En tout cas, la création complète de ces hommes est tout simplement une merveille : Stonehenge constitue un ensemble astronomique complexe, tout en restant fort simple sur le plan de l’architecture. Sa fonction était subtile et très élaborée. D’un raffinement très poussé, avec des usages multiples, un caractère majestueux, c’était certainement une des plus grandes merveilles du monde préhistorique.
Mais cela n’est pas tout. Stonehenge était non seulement un calendrier, mais aussi un observatoire destiné à prédire les éclipses.
La lune d’hiver sur la Heel StoneDepuis l’Antiquité on sait que la lune doit se trouver juste opposée au soleil pour être éclipsée
Dans un cycle de 18 années 220 jours, la pleine lune au milieu de l’hiver s’est déplacée d’une position nord maximum de + 29° à la pierre D, le long de la Heel Stone, jusqu’à une position nord minimum de + 19° à la pierre F, et la même chose en sens inverse. De la même façon, la pleine lune au milieu de l’été passait le long de la visée à travers l’arche du grand trilithon central.
Nous savons qu’une éclipse de lune ou de soleil a toujours lieu quand la lune d’hiver, c’est-à-dire la pleine lune la plus proche du solstice d’hiver se lève au-dessus de la Heel Stone. Environ la moitié des éclipses ont été visibles de Stonehenge. Les prêtres utilisaient donc le lever de la lune d’hiver au-dessus de la Heel Stone comme un signal de danger. De plus, lorsque les mouvements de la lune d’hiver la font passer sur D ou F, la lune des moissons est éclipsée ces années-là. L’intervalle entre les nuits du lever de la lune d’hiver sur la ligne extrême centre-D est d’environ 19 ans. Ou plus exactement 18 années 220 jours, la moyenne étant de deux 19 pour un 18, c’est-à-dire un total de 56 ans.
Ces phénomènes lunaires, à Stonehenge, se répètent tous les 56 ans avec une uniformité satisfaisante. Ainsi le triple intervalle de 56 ans entre les levers de lune d’hiver en D peut rester précis pendant des siècles.
Un ordinateur préhistoriquePour ces prêtres, il ressort que la meilleure façon de prévoir les mouvements de la lune, c’était d’établir un cycle de 56 ans. Il se trouve naturellement que ce nombre 56 est un des mystères les plus anciens de Stonehenge : c’est le nombre des trous d’Aubrey.
Les 56 trous d’Aubrey servent d’ordinateur. En s’en servant pour compter les années, les prêtres de Stonehenge pouvaient avoir un compte précis du mouvement de la lune, afin de prédire les périodes dangereuses coïncidant avec les éclipses les plus spétaculaires de la lune et du soleil. En fait, le cercle d’Aubrey peut être utilisé pour prédire de nombreux phénomènes célestes.
Cela peut se faire d’une façon très simple. Si l’on déplace une pierre d’un trou chaque année, toutes les positions extrêmes de la lune, ainsi que les éclipses du soleil et de la lune aux solstices et aux équinoxes peuvent être prédites. Si l’on utilise six pierres, espacées de 9, 9, 10, 9, 9, 10, trous d’Aubrey, que l’on déplace chaque année dans le sens inverse à celui des aiguilles d’une montre, un nombre incroyable de prévision peuvent alors être donné.
Avec six pierres, trois blanches et trois noires, cet ordinateur peut prédire avec une bonne précision les événements lunaires importants pendant des centaines d’années.
Voici comment cela peut se faire.
Imaginons les pierres comme elles le sont en 1554 avant j.c., année où se produisit cet événement extraordinaire : une éclipses d’hiver.
Les prêtres connaissaient ce danger d’une éclipse d’hiver, à cause d’une pierre blanche en 56. Comme confirmation du danger éventuel, et aussi pour vérifier le fonctionnement du système, ils observèrent le lever de la pleine lune sur la Heel Stone : « la lune d’hiver a usurpé la position du soleil d’été, attention ! ». L’année où la pierre blanche est au trou 56, la lune d’hiver se couche sur une ligne G-94. cette année-là, il existe une autre période dangereuse pour les éclipses de soleil et de la lune, le mois du solstice d’été, quand la pleine lune se lève dans le trilithon du lever du soleil et se couche dans le grand trilithon. Cette année 1554 dut donner aux prêtres de Stonehenge bien du travail – et c’est la pierre blanche qui a pu les prévenir.
L’année suivant, en 1553 avant j.c., toutes les pierres sont déplacées d’un cran. La pierre blanche est au trou 55. C’est un trou qui n’indique pas de danger particulier. Donc rien de spectaculaire n’arrivera cette année-là. La lune d’hiver s’est déplacée vers D.
Rien ne se passera pendant 5 ans, jusqu’à ce que la pierre blanche soit au trou 51. Nous sommes en 1549 avant j.c. La lune d’hiver atteint la déclinaison maximum de + 29°. Elle se lève en D-centre, elle se couche le long de 94-91 dans le trilithon du coucher de lune. La lune d’été se lève le long de 92-93 et dans le trilithon du lever. La lune de la moisson et celle du printemps se lèvent le long de 94-C et 93-F. Les périodes de danger pour les éclipses sont les mois de la lune des moissons et de la lune de printemps, c’est-à-dire les équinoxes. Ce qui fait de 1549 une autre année d’intense activité pour les prêtres, amis que l’on attend avec confiance car la pierre blanche est en 51.
Encore quatre années tranquilles, nous sommes en 1545. Il y a maintenant une pierre noire en 56. Toutes les phases dangereuses de 1554 se répètent, prédites par la pierre au n° 56.
On trouve une pierre noire ou une pierre blanche en 56 à des intervalles de 9, 9, 10, 9, 9, 10 ans. Ceci permet de prédire les événements concernant la lune sur la Heel Stone. On trouve une pierre blanche au trou 51 à des intervalles de 18, 19, 19 ans, prédisant les conditions de la haute lune à + 29°. Une pierre blanche se trouve au trou 5 à des intervalles de 19, 19, 18 ans, prédisant les événements associés avec la lune basse à + 19°.
Quand le soleil se lève et se couche selon 94-C et 93-F, c’est le premier jour du printemps. Dans les jours suivants, la pierre de la lune se déplacera cran par cran autour du cercle de sarsen. Lorsqu’on est à 30-1, c’est le jour de la pleine lune de printemps.
Quand la lune de printemps sera-t-elle en position d’éclipse ?
Quand il y a une pierre blanche au trou 5 ou 51 dans le cercle d’Aubrey. Cette année-là, la lune d’hiver sera en D ou en F, la lune d’été sera parallèle à la longueur du rectangle et la lune d’été se lèvera le long de 94-C.
Quant à la date de la fête du milieu de l’hiver, elle est marquée par le coucher du soleil dans le grand trilithon. Et si les hommes de Stonehenge suivaient la coutume des autres pays d’Europe, ils devaient allumer d’énormes feux pour signaler cette étape importante dans la marche du soleil.
La lune d’hiver est éclipsée quand une pierre noire ou blanche est au trou 56.
On peut n’utiliser que trois pierres. Les éclipses d’hiver et d’été ont lieu quand une pierre se trouve en 56 ou en 28, c’est-à-dire, sur l’axe. En fait, on peut même n’utiliser qu’une pierre, si l’on marque 12 positions sur le cercle.