Avec la moitié noire du miđ samon et plus particulièrement les 2, 3 et 4ème jours de l’atenouxtion nous arrivons à une époque très solennelle qui se trouve dédiés par les credimaroi à la mémoire de leurs morts. Quels que soient le jour, la quinzaine, le mois où de proches parents ont pu disparaître, leur trépas est commémoré durant les Trinoxtion samoni « Les trois nuits de retrouvaille [avec les Pères] ».
Elles débutent le 2ème jour de l’atenouxtion du miđ samon-, soit lors du dernier quartier de lune quand le soleil est dans le signe du Crucos (Scorpion ), signe de Dits-Ater, le Père-destructeur dont les Celtes se disent issus.
Ouvrant la saison hivernale, la couleur symbolique de Samonios est le blanc. Le blanc du Nord, de la mort, qui absorbe l’être et l’introduit au monde lunaire et froid. C’est la couleur du deuil, du linceul, de tous les spectres et de toutes les apparitions. C’est la couleur des revenants, donc le l’Autre Monde.
Samonios est une fête d’obligation, à l’universalité contraignante, et une telle fête se célèbre dignement.
« C’était l’époque où les Ulates étaient dans la plaine de Murthemne et ils tenaient l’assemblée de Samain chaque année. Il n’y avait rien au monde qui n’était fait par eux à cette époque, si ce n’étaient des jeux, des réunions, pompe et magnificence, bonne chère et banquet. C’est de là que viennent les trois jours de Samain dans toute l’Irlande »
« …Tout homme des Ulates qui ne venait pas lors de la nuit de Samain à Emain perdait la raison et l’on dressait son tumulus et sa pierre le lendemain matin »
La fonction essentielle de cette assemblée est d’être une intermédiaire entre le monde humain et le monde des morts. A cette date l’autre monde est partout présent et on y accède encore bien plus vite si l’on se réunit là où il a coutume de se manifester, dans les endroits consacrés. L’éternité n’est pas non plus le lot normal des humains et, quand ils participent, il faut bien que quelqu’un les y aide. C’est à cette fin que les gens du Sedon viennent sur terre et que les druides les laissent faire.
En effet, Samonios est le moment où les hommes ont accès à l’Autre Monde parce que l’éternité du Sedon pénètre le temps et en suspend le cours. Les messagères des dieux viennent aussi chercher les heureux mortels qu’elles ont élus parce que, précisément, la suspension du temps annihile provisoirement toute différence entre l’Autre Monde et le monde des hommes et fait tomber toutes les barrières. Le temps des Trinoxtion est celui du Sedon brièvement confondu avec celui de l’humanité. Les hommes ont, pendant quelques jours, accès au monde des dieux sans verser dans l’outrance ou le sacrilège.
En cette occasion un grand banquet est offert.
« L’année où l’on divisa la province d’Ulster en trois parties on fit le festin de Samain chez Conchobar à Emain Macha » (Mesca Ulad)
« Viande, bière, noix, andouille, c’est ce qui est dû à Samain, feu de camp joyeux sur la colline, lait baratté, pain et beurre frais » (Hibernica Minora)
En cette nuit, la victime sacrificielle par excellence est le porc qui, associé aux boissons enivrantes donnent, par le biais de l’ivresse, accès à l’éternité.
« fuirec, c’est le nom de la nourriture qui est apportée au seigneur avant Noël, ut est faer, fuirec, etc., c’est-à-dire le cochon de Samain » (Archiv für Celtische Lexicographie)
En tant que dieu des « Enfers », Dits-Ater, patron de la fête, est considéré comme le libérateur des cycles des morts et des renaissances, dieu chtonien, initiateur et conducteur des âmes. Il symbolise l’effort de spiritualisation de la créature vivante à partir de la plante jusqu’à l’extase : dieu de la forêt, des animaux, de la ferveur et de l’union mystique.
Avant lui il y avait deux mondes, le divin et l’humain, deux races, celle des dieux et celle des hommes. Dits-Ater tend à introduire les hommes dans le monde des dieux et à les transformer en une race divine.
Tout dévot de Dits-Ater aspire à sortir de sa personne par l’extase et, dans les transports de l’enthousiasme, à se mettre en union intime avec le dieu dont il est pour un temps possédé. Le culte de Dits-ater est une source capitale de spiritualisme, par la notion d’âme qu’il contribue à dégager et à répandre. Grâce à lui l’idée s’est fait jour que l’âme apparentée au divin et plus réelle en un sens que le corps.
Du point de vue de l’analyse Dits-Ater symbolise la rupture des inhibitions, des répressions, des refoulements. Il symbolise les forces obscures qui surgissent de l’inconscient ; il est le dieu qui préside aux déchaînements que provoque l’ivresse, toutes les formes d’ivresses, celle qui s’empare des buveurs, celle qui saisit les foules entraînées par la musique et la danse, celle même de la folie, qu’il inspire à ceux qui ne l’ont pas honoré comme il convient. Il apporte aux hommes les présents de la nature. Il est le dieu aux formes multiples, le créateur d’illusions, l’auteur de miracles.
Il symbolise alors les forces de dissolution de la personnalité : la régression vers les formes chaotiques et primordiales de la vie ; une submersion de la conscience dans le magma de l’inconscient. Il symbolise en profondeur l’énergie de la vie tendant à émerger de toute contrainte et de toute limite.
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