Selon les sources citées
Le sacrifice "habituel" semble être une forme religieuse ou du moins codifiée pour abattre les animaux nourriture . Chacun ayant sa part Dieux et Hommes , selon son dû . La rituélie ayant au moins pour effet de légitimité l'abattage et de ne pas le réduire à l'acte technique de "faire de la viande" avec un être vivant .
Sur le plan des valeurs , cela limite l'accès à la chair des animaux à certaines circonstances, usages, principes.
Ce qui est sans doute plus difficile à accepter pour nous et dans notre contexte socio-culturel c'est le sacrifice complet pour les Dieux, sans autre objet que l'objet "magique " ou religieux
Désigner le caractère apotropaïque de ces sacrifices me semble incomplet. Eloigner la mauvaise chance, comment ? Pourquoi ?
Cela suppose un raisonnement particulier qui est sans doute lié à une vision du Monde dans laquelle les choses s'équilibrent . Ainsi s'il y a "mauvaise chance" c'est peut être parce qu'il y a un déséquilibre dans le Monde. Les Dieux qui par essence sont complets , exigent néanmoins quelque chose . Ce quelque chose leur est donnée de manière "substituée" . Nous pouvons imaginer un sacrifice qui est la substitution d'une guerre, d'une défaite, d'une disette, d'une maladie, d'une épidémie...
Commerce avec les Dieux , qui est peut être une forme première de la religiosité et de la compréhension humaine du destin
S'il y a commerce , cela nous interroge sur échange de biens . Ce que je possède , sert de monnaie contre ce que les Dieux possèdent.
par nature les Dieux possèdent tout , y compris le destin . Les Hommes par ailleurs possèdent ou semblent posséder une part de choix
L'échange sacrificiel se situe donc entre les forces du destin et celles du libre artbitre
Au regard de notre sensibilité moderne , la vie de l'autre ne nous appartient pas . L'autre étant animal , plante et humain
Nous valorisions toutefois ceci . L'humain est tabou , interdit . Sauf lorsqu'il s'agit d'un sacrifice collectif pour une guerre, une famine organisée ou une absence de soins pour des raisons économiques . Mais ce n'est pas le sujet , et 10 000 morts ici où là pour des raisons stratégiques n'émeut personne ou peu
Ce qui différencie le moderne et l'ancien c'est justement le caractère raisonable . La justification . Qu'une guerre fasse 10 000 victimes ou 10 000 000 c'est le prix à payer en vertu de principes supérieurs . Qui sont raisonables et valables
Dans notre culture, l'échange avec les Dieux n'est pas une raison raisonnable et valable . C'est Irrationnel
Et il n'y a aucune raison pour nous de remettre ceci en cause et c'est un principe que devraient adopter toutes les sociétés . Ne pas nuire à nos semblables et ce serait déjà en soi un beau projet
Le sacrifice végétal , fleurs grains est la forme la plus acceptable du sacrifice. Nous ne nous identifions pas aux végétaux et pourtant ils sont "Vie" . Mais peu importe , la mort d'une graine ne semble pas remettre en question notre philosophie de Vie et puis après tout quand on coupe une fleur, ça repousse.
Nous pouvons imaginer que dans une mentalité primitive ceci constitue un sacrifice mineur mais parfois sublimable dans l'esthétique.
Le sacrifice animal , vraie question. Lorsqu'il s'agit d'un animal que l'on tue pour en faire de la viande, du saucisson ou du foie gras, tout va bien .
La raison est précise, on tue pour manger. Manger étant la justification première et incontournable . Dans le sacrifice commun décrit dans le texte sur les grecs il n'y a rien de véritablement choquant . Sauf pour un végétalien . les animaux sont abattus, honorés pour cela et leur corps est partagé symboliquement entre les Hommes et les Dieux . Les Dieux recevant leur part , os, peau, sang, graisse . Les Hommes se contentant de la leur ( la viande consommable ) l'équilibre est respecté . La morale est sauve
Sauf que nos ancêtres ont l'idée saugrenue que parfois ils pouvaient sacrifier une vie sans en profiter directement . Le tout étant offert aux Dieux et c'est là que le bas blesse . Passe encore qu'on dédie la mort d'un animal aux Dieux . Personne ne remet en question les sacrifices codifiés des religions du livre. Mais que l'on sacrifie un "vivant" aux Dieux sans profit rationnel dépasse les limites des codes moraux . Acte gratuit pour les uns , perversion pour les autres
Je veux bien sacrifier un porc pour en faire du jambon mais le sacrifier pour les Dieux ...Quelle horreur !
Avouons toutefois que du point de vue du porc en question la nuance est de peu d'importance. Il est assommé , égorgé , et personne ne lui demande son avis
Si nous étions à sa place, préférerions nous être sacrifié pour les Dieux ou pour un estomac ? Je dois dire que la première hypothèse est un peu plus glamour . Mais au fond je préfèrerais ne pas être sacrifié . Comme nous tous je pense
Et donc . Et c'est un peu là où je veux en venir . Le sacrifice reconnaît un principe supérieur . Qui pour les anciens était utilitaire et qui pour nous ne l'est plus . Sacrifier , c'est se démunir d'une part de ce que nous croyons posséder. Nous pensons posséder des animaux. Parce que nous les avons élevé, et qu'ils nous appartiennent . Donc sacrifier un animal c'est se déposséder d'une part de nos possessions , cela nous coute . Reste à évaluer philiosophiquement ce que signifie "posséder un animal"
Aujourd'hui et c'est tant mieux , nous ne possédons plus d'être humains ; les temps de l'esclavage sont quasi révolus . Il n'y a donc plus de justification au sacrifice humain . Et c'est toujours tant mieux
Aujourd'hui nous croyons encore posséder les plantes , et aucune d'entre elle n'ira dire le contraire. Le mutisme des plantes est une bonne chose. Et donc nous pouvons sans trop de difficulté sacrifier des fleurs ou des grains . C'est à dire offrir une Vie que nous pensons posséder et sur laquelle nous avons de la maîtrise au profit des Dieux qui eux possédent le destin .
Moins engageant d'un point de vue de l'affect , le don est plus symbolique moins "magique" que le don animal . Serions nous plus transgression nous sacrifierons sans doute de la viande en barquette que des tueurs anonymes auront prélevée sans état d'âme et sans doute viande sans âme
Voilà peut être posée la question essentielle du sacrifice: celle de notre rapport au divin . S'il est considéré comme accessoire le sacrifice n'a pas de sens, les Dieux sont muets . Si les Dieux sont actifs , vivants , alors nous avons à nous interroger sur la nature de nos échanges avec eux